Samedi soir, vingt et une heures précises.
Le froid sidéral de l'éther s'empare du monde sublunaire.
Le lampadaire, sentinelle de métal aux pieds du véhicule,
Nimbe le givre d'un halo de lumière opaline,
Semblable au linceul d'argent des héros homériques.
La nuit a tout englouti dans son sein opaque;
Des myriades d'étoiles, délogées du firmament inaccessible,
Jonchent le sol terrestre de leurs éclats glacés,
Tandis que la voûte céleste, impénétrable comme le bouclier d'Achille,
N'offre que le néant pour toute réponse à nos interrogations.
La route qui mène à Fontainebleau s'étire, rectiligne et impérieuse,
Comme le fil tendu par les Parques inflexibles.
Nous pénétrons cette sylve mystérieuse, vestige des ères révolues,
Qui jadis, en des temps antédiluviens,
Étendait ses frondaisons jusqu'aux plaines sarmates.
Je scrute furtivement les carrefours qui émergent de la pénombre,
Comme autant de portails vers des mondes parallèles.
Je connais, tel un druide ses bosquets sacrés,
Tous les recoins de cette forêt millénaire,
Du moins ceux qui recèlent quelque étrangeté digne des récits mythologiques.
À mesure que défilent les pierres milliaires,
Mon esprit vagabonde vers les temps révolus
Où, plus jeune, j'arpentais ces sentiers sinueux,
À la recherche des légendes innombrables
Qui peuplent cette vaste étendue sylvestre
Et murmurent encore comme les voix des nymphes antiques.
Le repaire du Chasseur Noir, fantôme cynégétique,
Les pétroglyphes mystérieux du massif de Fontainebleau,
Le chien Bleau et la Fontaine éponyme, Canis Fidelitas,
Le combat titanesque de François Ier contre le Serpent monstrueux,
Le Rocher des Fées, autel druidique consacré à Cernunnos,
Dame blanche de la Butte Saint-Louis, spectre diaphane,
L'orée du bois du Dieu Pan, sanctuaire oublié des satires et des ménades...
Pierre à Glissade, polie par les siècles comme un marbre de Paros,
La Roche qui Tourne du Rocher d'Avon, phénomène inexpliqué,
Le menhir Escargot, témoin des cultes mégalithiques,
La Roche Qui Pleure de Franchard, source d'eau lustrale,
La Chaise à Marie, trône naturel pour une souveraine sylvaine,
La chapelle de la Bonne Dame, vestige de la piété médiévale,
Le fantôme du prince de Condé, aristocrate errant...
Le carrefour de la Croix du Grand Maître, lieu de rendez-vous des Templiers,
La grotte de Béatrix, antre d'une sibylle forestière,
Le puits du grand Parquet, œil cyclopéen fixant l'abîme,
La légende du Juif Errant, condamné à l'immortalité ambulatoire,
La Pierre du Prie-Dieu, autel naturel pour les oraisons silencieuses,
Le Puits du Cormier, passage vers les entrailles chthoniennes,
La bête du Gastinois, monstre sylvestre à la cruauté légendaire,
La légende de Némorosa, dryade protectrice des frondaisons...
Ajouté le
Reproductions, Impressions sur toile, Impression sur métal